Notation, code couleurs, classement, comparaison … autant de formes éducatives passives qui envahissent les écoles et plus largement encore, notre société. Au sport ou au scoutisme, les enfants ne peuvent jouer, explorer, pratiquer librement sans crainte ou attente d’une note ou d’une récompense à la suite. On travaille pour quelqu’un ou pour quelque chose, en permanence. Pour certains, le côté délétère se voit directement par une timidité, un recueil sur soi et un refus de faire, par peur. Pour d’autres, il est dissimulé par une fausse bonne motivation avec une rage de faire mieux que l’autre, par un désir de montrer qu’on est capable de. Dans tous les cas, on cherche une récompense extérieure (cadeau, compliment, note,..). Si je range ma chambre, peut être que maman et papa m’autoriseront à aller dormir chez mon copain ? Comment ferons-nous, lorsque, une fois adulte, les récompenses disparaitront et que le dossier devra quand même être rendu au patron et la maison nettoyée ?
Comment les relations sociales peuvent-elles être saines dans un contexte où nous devons tendre la carotte pour espérer attendre quelque chose de quelqu’un ? Ce système engendre une lutte d’écrasement les uns envers les autres, « je le fais seulement si … »; « regarde moi j’ai eu ce nouveau badge ! » . Où est le réel intérêt simple et beau de l’activité ?
Suis-je réellement satisfait de moi ?
L’homme est par nature curieux. Nous perdons cet élan naturel très tôt, nous nous décourageons par l’alimentation continue de cette boucle « punition- récompense ». A quoi bon continuer de tester, d’expérimenter si je me fais réprimander au moindre verre cassé ou pantalon tâché ? Pourquoi lire un livre qui ne m’intéresse pas ? Comment résoudre ce problème de mathématiques, je ne comprends même pas l’énoncé ? Nous devenons passif.
Le fondement même de la pédagogie du Dr.Montessori est de guider les enfants vers la recherche de leur motivation intrinsèque. « Je travaille pour moi, parce que j’en ai envie, parce que ça m’intéresse ». Cela s’appelle : la volonté au travail. Cette capacité psychique fondamentale se travaille tout au long du développement de l’enfant, selon des périodes sensibles. De 3 à 6 ans, l’enfant exercera sa volonté au travail en répétant une même tâche jusqu’à sa bonne réalisation. Quel plus beau tableau que de voir dans les yeux d’un enfant la joie de réussir son transvasement parfaitement pour la première fois ? De la même manière, en maison des enfants, l’éducateur veillera à ce que l’enfant reproduise exactement et dans le même ordre chaque geste vu. Cette persévérance et rigueur entraîne notre volonté dans l’effort. Dès le plus jeune âge, l’enfant ressent ce bonheur personnel que d’accomplir une tâche. Il sera fier de montrer à son (sa) éducateur (trice) le fruit de son travail. Nous le guidons alors vers le ressenti de cette satisfaction personnelle « Je vois que tu es fier de toi, je suis heureux (euse) pour toi. Je te présente une nouvelle activité? ».
Les enfants du second plan, 6 à 12 ans, continuent ce travail de rigueur, d’ordre par le fonctionnement même d’une classe Montessori : prendre librement le matériel que je connais, le ranger à sa place à la fin de mon activité, remplir mon cahier journal. Ces trois tâches amènent l’enfant dans l’autonomie, « je suis responsable de moi, de mon travail ». Par cette liberté et cette confiance accordée, l’enfant se sent naturellement responsable. Le mimétisme et la coopération sont une aide précieuse à cet objectif. Les enfants sont demandeurs de présentations et sont heureux lorsqu’ils sont les premiers à en recevoir une nouvelle. « Je vais pouvoir présenter ce matériel à qui Manon ? ».
La compétition se voit ici par la soif d’apprendre pour ensuite partager aux autres ce nouvel apprentissage. Attention, l’objectif n’est pas la course à la présentation. Ils savent que chaque présentation est une clé de compréhension pour amener à la suivante et que si je ne déchiffre par l’énigme de ce matériel, je ne pourrai déchiffrer la suivante. Si je ne sais pas résoudre une multiplication à un ordre, je ne pourrai résoudre à deux ordres et plus … L’enfant est acteur de son apprentissage.
Je me souviens de mes cinq enfants de premières années (6 ans). Je travaillais individuellement avec chacun d’eux sur les boîtes de grammaire. Ils y découvraient graduellement le déterminant, le nom, l’adjectif… et la boite rouge faisait de l’œil à un des enfants. Cette boite rouge dévoile le rôle du verbe, nature de mot qui demande d’abord d’acquérir assez d’expérience avec le groupe nominal. « Ho, je comprends bien ton enthousiasme à l’idée de découvrir cette belle boîte rouge. Vois-tu, je te la présenterai dès que tu seras prêt. Viens je te montre d’abord une affiche qui va t’y préparer ». Sa volonté au travail, encouragée par notre beau matériel énigmatique, était comblée. Il a suffit de quelques jours pour que le petit groupe de 6 ans me demande la même présentation.
Chercher fait partie intégrante de nous. L’homme est un explorateur intellectuel. Nous permettons simplement aux enfants dans notre école de l’exercer librement en ne donnant rien d’autre comme récompense que la satisfaction personnelle à élucider un mystère. De la même manière que la soif de connaitre la vie des dinosaures se transforme facilement en exposé passionné, la soif de découvrir tel matériel se transforme en une intégration des compétences académiques concrète et durable. La compétition est donc présente dans nos classes comme moteur personnel au dépassement de soi, comme réponse à la curiosité individuelle et alimentée par la coopération permanente dans le travail. Elle est notre adrénaline bienveillante à remplir les défis du quotidien qui nous animent tant !
Voici notre vision de la compétition. Etes-vous d’accord avec nous ? Quelle est votre vision de la compétition ?